Des élèves de Stains mis à l’honneur au Val-de-Grâce lors de la cérémonie d’union des associations de mémoire des camps nazis

Mardi 3 octobre 2023, dans la salle capitulaire de l’ancien hôpital d’instruction des armées du Val-de-Grâce à Paris, deux classes de Stains, une classe de troisième du collège Joliot Curie et une classe de terminale du lycée Maurice Utrillo, ont eu l’honneur de participer à une cérémonie présidée par madame la secrétaire d’État chargée des Anciens combattants et de la Mémoire, Patricia Mirallès. Ce moment particulier a été marqué par l’importance du souvenir et de la transmission de la mémoire collective, un moment qui fait écho au travail mené par les élèves de terminale l’année précédente et qui amorce celui à venir de la classe de troisième.

 Discours de Mme Patricia Mirallès, secrétaire d’État, devant les représentants des associations et les élèves.

Transmettre la mémoire à toute force

Les associations de déportés ont fait le choix de s’unir pour conserver leur efficacité à transmettre la mémoire, notamment aux plus jeunes.
Rappelant les mots de Simone Veil, « Il n’y a pas de devoir de mémoire, mais une transmission de la mémoire  », ce moment singulier a permis de rassembler plusieurs générations autour d’un enjeu essentiel : celui de rappeler l’importance de la connaissance de la destruction des Juifs d’Europe et des ennemis du Reich par l’appareil génocidaire nazi. Un appareil de destruction qui s’est incarné dans les camps où, après avoir été réduits en esclaves, la grande majorité des détenus a connu la mort comme seule issue.

C’est une leçon d’humanité que la cérémonie a su délivrer, illustrée notamment par les mots de Robert Anthelme : « Nous vivons en homme, nous mourrons en homme. C’est un rêve SS de nous faire changer d’espèce. (…) Il n’y a pas des espèces humaines, il y a une espèce humaine ». Les élèves ont été invités à s’approprier pleinement ce message d’universalité, valeur fondatrice de la République, et, à l’heure où les témoins disparaissent, la secrétaire d’État s’est adressée directement à eux pour leur rappeler qu’ils seront les prochains passeurs de mémoire.
Pour ce faire ils seront guidés par les associations dont le partenariat avec l’éducation nationale à travers les actions éducatives développées par les enseignants demeure essentiel, notamment dans l’appui qu’elles peuvent proposer lors des voyages pédagogiques ou l’accompagnement des élèves dans l’écoute des témoignages de ceux qui sont encore vivants ou, plus souvent désormais, des enregistrements et des archives que l’action de collecte enrichit toujours plus avant.

Le panneau d’exposition présenté par l’UAMCN lors de la cérémonie. Y sont représentés les sites
de Neuengamme, Ravensbrück, Sachsenhausen, Mauthausen, Dachau, Buchenwald, Mittelbau-Dora.

Pour conclure cette cérémonie, en hommage aux déportés et à leurs descendants, les élèves ont fait retentir Le Chant des marais, accompagnés de leur professeur de musique, M. Baptiste Mourot, en français et en allemand pour une symbolique plus forte dans l’unisson. Pour eux, cette participation restera un souvenir fort, un écho aussi très certainement aux projets pédagogiques menés l’an dernier dans lesquels d’autres lycéens de Stains ont été les « passeurs de mémoire » que leurs camarades s’apprêtent aujourd’hui à devenir.

Sur les traces des camps de la mort

En 2022-2023, encadrés par leur professeure d’allemand, Mme Pauline Blanchet, des élèves de terminale du lycée Maurice Utrillo de Stains ont participé au projet « Mémoires de Buchenwald » : un projet radiophonique avec une artiste en résidence, laquelle a accompagné le travail technique de mise en voix d’une véritable enquête historique. « On n’a pas la prétention de faire de l’histoire », a déclaré l’enseignante, et pourtant c’est bien faire œuvre d’historiennes et d’historiens dont il est question dans ce projet. L’équipe pédagogique du projet et trois élèves sont venus en témoigner, le 6 octobre 2023, aux Rendez-vous de l’histoire de Blois autour du thème "Les vivants et les morts".
► Le premier épisode - "En parler ou pas ?"
► Le deuxième épisode - "Retouner à Buchenwald"

Les élèves ont d’abord interviewé Anne Hessel, la fille du résistant Stéphane Hessel. « L’histoire de Stéphane, c’est celle d’un immigré arrivé en France sans savoir bien parler le français, naturalisé à 18 ans, déporté à Buchenwald. » Ont alors surgi les premiers questionnements : Comment arrive-t-on dans un camp ? Comment y meurt-on ? Comment y survit-on ? Par la suite, les élèves ont été invités à assister, dans le Grand amphithéâtre de la Sorbonne, à l’interprétation du Requiem de Verdi, en hommage aux concerts des déportés donnés dans le camp de Terezin (actuelle République tchèque). Ils se sont ensuite rendus à Blois, notamment pour interviewer Dominique Orlowski, fille de déportée. Leur projet a fait l’objet d’un article dans le journal La Nouvelle République sous le titre « Des lycéens passeurs de mémoire ».
 
Ces jeunes historiens ont donc convoqué une première source, puis ils ont recueilli des témoignages et ont poursuivi leur enquête aux archives nationales, encadrés par le professeur relai, M. Fabien Pontagnier, également enseignant à Stains, au collège Joliot Curie. Ils ont pu s’appuyer sur les fonds des associations mémorielles et le fonds 72/AJ, les archives du Comité d’histoire de la Seconde guerre mondiale. Là, les élèves ont ouvert une dizaine de cartons, guidés en amont par M. Pontagnier et leurs enseignants (chaque boite pouvant contenir plusieurs milliers de feuillets), un travail essentiel car l’approche archivistique complétait les témoignages et permettait la mise en contexte, tout autant que l’exercice du regard critique des élèves.
Les élèves se sont finalement déplacés sur le site du camp de Buchenwald, accompagnés par Anne Hessel, dans le froid de février. « Sur les plaques commémoratives, à Buchenwald, sont gravées les nationalités de tous les déportés. Toutes les nationalités d’Europe, et aussi d’Algérie, du Maroc, de Tunisie. Les nationalités d’origine de certains élèves, qu’ils étaient étonnés de reconnaître », a raconté Madame Hessel. Car en effet, si le génocide porte en lui une singularité - la destruction des Juifs d’Europe - sa portée est aussi universelle : chaque minorité ici ou là persécutée peut s’y identifier, et chaque individu en avoir conscience. Toutes les plaques sont maintenues en permanence à 37 °. « Même les Juifs sont à 37 ° ? » leur demandait Anne Hessel, «  Oui ! » avaient-ils répondu, tous. De cette visite du camp, les élèves retiennent notamment qu’ « il ne reste plus grand chose, mais assez pour se convaincre » (Andrei) et, surtout « que nous pouvons maintenant transmettre ceci à nos proches, et faire entendre ce qui doit être entendu ».

 Les élèves du lycée Maurice Utrillo de Stains en visite à Buchenwald, février 2023. Photographie d’élève.

Véritables « hussards noirs », pour reprendre les mots de Madame Mirallès, les enseignants de Stains vont poursuivre ce travail de mémoire, ce devoir de mémoire. Notamment par un nouveau voyage en Allemagne pour les lycéens de Maurice Utrillo et un projet avec une classe de 3e de Joliot Curie sur les résistantes et déportées de Stains (quatre femmes ont été déportées dans la commune) et, là aussi, un voyage en Allemagne sur le site de Ravensbrück.

La transmission de la mémoire articulée à un enseignement du génocide continue afin de faire en sorte que ne se reproduisent plus les horreurs du passé et qu’ainsi ne s’entende plus jamais « le bruit de l’oubli » (René Char).

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© DSDEN93 - article actualisé le 2 février 2024