Un projet au grand cœur : la dream box des élèves de STMG du lycée Suger de Saint-Denis

C’est une aventure hors du commun qu’ont vécu pendant deux ans les élèves de STMG (filière Sciences et technologies du management et de la gestion) et leur enseignante, Mme Noukass. De Saint-Denis au Maroc, grâce à une box de développement personnel, ces 19 élèves ont travaillé, réfléchi, grandi et mûri à tel point que, pour certains, ce projet a changé leur vie.

Tout a commencé par un silence

Et pourtant, tout a commencé par un silence. Le silence des élèves face à une question de leur enseignante : « Qu’aimez-vous faire ? ».

En septembre 2021, Mme Noukass découvre sa classe de 19 élèves de 1^re STMG. Certains de ces élèves sont en grande difficulté scolaire et émotionnelle. Ils ont pris le Covid en plein coeur et celui-ci a chamboulé leur vision d’eux-mêmes et du monde. Ils se sentent vides, creux et sans rêves ; ce sont des jeunes de 15 ans sans activités extrascolaires qui ne se sentent pas à leur place dans le système scolaire. Avec quelques problèmes de discipline parfois par manque de motivation, car certains élèves sont en STMG sans vraiment avoir choisi cette filière mais simplement « pour faire quelque chose ». 

En novembre 2021, l’enseignante lance une bouteille à la mer : elle leur propose de créer une mini-entreprise qui répondrait à un besoin, à leurs besoins. L’enseignante leur fait rédiger un curriculum vitae et une lettre de motivation. En discutant entre eux et en réfléchissant collectivement, ils se sont alors aperçu qu’ils ne savaient plus ce qu’ils aimaient faire et ce dont ils avaient besoin. L’idée d’une boîte de développement personnel leur est venue assez rapidement : elle répondait à la commande - créer une mini-entreprise - mais ce fut surtout une idée qui leur permettait de faire un travail sur eux-mêmes, « et c’est ça qui a fait la différence » selon Mme Noukass.

Un véritable projet de professionnels

Même si l’idée leur est venue rapidement, les élèves ont mis des mois à créer cette box, sur une période allant de novembre 2021 à mars 2022. Et ils allaient être les premiers clients de leur produit.
Le salon départemental des mini-entreprises ayant lieu en mars, la box devait être prête à cette date. Les élèves ont travaillé sans relâche et, finalement, in extremis, ils ont réussi à l’achever pour la présenter au salon. Là-bas, leur travail a été reconnu et récompensé par le prix coup de cœur du salon, et ce ne sont pas les membres du jury – des adultes – qui ont voté pour eux mais les jeunes des autres stands. Une preuve, s’il en fallait une, qu’il y avait un écho entre ce qu’ils avaient créé à partir de leurs ressentis et le ressenti des autres jeunes de leur âge.
Mais cette boîte, c’est quoi exactement ? Le but est de tirer une carte par jour pour développer l’épanouissement personnel. La boîte contient différentes sortes de cartes : les cartes « good vibes », les cartes « challenge-toi », les cartes « inspire-toi ».
Ce sont des exercices mis en place par les élèves à partir de leur vie réelle, de ce qui les ennuie et ce qui leur pose des problèmes au quotidien.
 

Ce prix remporté au salon départemental a boosté leur confiance en eux. Ils ont ensuite obtenu de vrais rendez-vous professionnels (un avec la mairie, un autre avec le vice-président de la région) qui sont venus conforter encore davantage cette confiance en eux et en leur projet si durement acquise.

Leur mini-entreprise a été construite à l’image d’une grande, même son organigramme a été conçu à l’identique de celui d’une véritable entreprise.
Les élèves de 1^re et de terminale furent à tour de rôle recruteurs et candidats. Chacun a candidaté sur trois postes et tous les services que les élèves devaient pourvoir ont été représentés : service de la direction, du marketing, des ressources humaines, de la production, de la communication, financier… 19 métiers ont été créés pour les 19 élèves de la classe.

Tous les jeudis matin étaient consacrés à la mini-entreprise et, durant ce laps de temps, les élèves n’étaient plus élèves ; ils endossaient le métier qu’ils avaient choisi.

Au-delà d’un simple projet scolaire

Le marché conclu au départ, concernant ce que rapporterait cette box, était de donner 10% des bénéfices à une association et d’aller au restaurant avec le reste de l’argent récolté.
A la clôture du projet, en juin 2022, la mini-entreprise enregistrait un peu plus de 4000 euros de bénéfices. Les mini-entrepreneurs n’envisagaient désormais plus d’aller au restaurant mais de faire un voyage humanitaire.
A la rentrée de septembre 2022, arrivés en terminale, les élèves n’ont pas eu le cœur de clôturer ce projet qui leur avait tant apporté, et surtout l’idée du voyage humanitaire était toujours dans toutes les têtes ; ils étaient totalement motivés pour continuer le projet une deuxième année et ils n’avaient toujours pas changé d’avis. Ils ont continué à vendre leur box et ils ont fait des ventes incroyables sur les réseaux sociaux.
Fin janvier 2023, ils avaient la somme en poche pour partir en voyage humanitaire, soit plus de 23 000 euros.

Tout cela était un peu vertigineux pour tout le monde, même pour la professeure, Mme Noukass, qui organisait là son premier voyage scolaire avec des élèves. Un voyage scolaire est difficile à financer et à organiser à l’échelle d’un établissement. L’équipe de direction, et particulièrement le proviseur, M. Blum, a été très motivante et encourageante, tout autant emballée que les élèves par ce beau projet.

Pour ce voyage, les élèves ont choisi une association, « Soleil d’enfants », qui œuvre au Maroc. Et, enfin, début mai, les élèves ont pu s’envoler pour le Maroc, à plus de 4000 kilomètres de la France pour un voyage d’une semaine.

Là-bas, ils ont rencontré une population plutôt nomade. Les élèves avaient apporté avec eux de la nourriture et des fournitures scolaires pour aider à la rénovation de deux écoles. Les élèves se sont beaucoup attachés à la population, plus de 400 Marocains ont été impliqués dans cette action. On peut dire, sans exagérer, que ce voyage les a bouleversés.

C’est pour cette raison, bien sûr, que le séisme qui est survenu au Maroc le 8 septembre 2023 les a beaucoup touchés. Les élèves sont à présent dans des cursus d’études supérieures mais ils sont venus au lycée tous les jours qui ont suivi le séisme pour savoir ce qu’ils pouvaient faire pour aider. 
Ils ont donc décidé de mettre tous les mois de l’argent de côté pour repartir au Maroc en avril 2024 pour aider à la reconstruction après ce séisme qui fut le plus important tremblement de terre jamais enregistré dans l’histoire du pays.

C’est un projet, une histoire qu’ils ne veulent pas voir se terminer : « On s’est sentis heureux, on a apporté de l’aide. On veut continuer ».

Au-delà des 19 élèves de la classe de STMG de Mme Noukass, ce projet a fait du bien à tout le lycée tellement son impact a été positif sur les autres élèves. Ainsi certains élèves d’autres classes ont-ils créé une association pour aider les élèves de la Dream project à récolter des fournitures scolaires qu’ils emporteront avec eux au Maroc.

Un des bénéfices de ce projet, et non des moindres, c’est d’avoir réconcilié les élèves avec l’école ; ils ont compris le rôle du proviseur, des institutions, du département, de la mairie et des élus de manière générale. Ils savent maintenant que pour réussir il y a des portes à ouvrir et qu’ils sont tout à fait légitimes à les pousser.
Ces élèves qui, pour certains, étaient en rupture avec l’école, avec tout, ont montré un bon exemple aux autres élèves du lycée et ce projet, qui était initialement celui de 19 élèves, est ainsi devenu celui de tout un lycée.
L’absentéisme qui était si fort en début de 1^re a totalement chuté en fin de terminale, plus aucun élève n’était absent. Le projet a raccroché les élèves : « Ca a changé ma vie » dira même l’un d’eux. Et pour conclure en beauté ces deux années scolaires, 100% des élèves ont été reçus au baccalauréat et 100% d’entre eux ont obtenu une école choisie sur Parcoursup.

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© DSDEN93 - article actualisé le 23 novembre 2023