Des élèves de l’école Auguste Rodin de Saint-Denis racontent leur quartier aux parents

Les élèves de CM2 de l’école Auguste Rodin à Saint-Denis ont entrepris une aventure passionnante cette année en explorant leur quartier de manière innovante. Ils ont plongé dans les rues familières avec un regard neuf, curieux et créatif avec pour mission de découvrir les histoires et les souvenirs qui les habitent. À cet effet, ils sont allés à la rencontre des personnes qui font vivre le quartier au quotidien et ont inventé une promenade urbaine sonore associant interviews, anecdotes, repères historiques et culturels.

De l’origine du projet

Le projet s’est mis en place dans le cadre de la cité éducative de Saint-Denis, sur une proposition de M. Pascal Meny, conseiller départemental en arts visuels à la DSDEN 93. Mme Nadia Belaghlem, l’enseignante de la classe, y a vu tout l’intérêt pour ses élèves de redécouvrir l’histoire de leur lieu de vie à partir des récits qui la composent, de la mettre en valeur en les faisant raconter les mémoires des habitants du quartier (les migrations, le travail, la vie quotidienne) mais également la mémoire des lieux. Ils allaient ainsi pouvoir mettre en perspective ces mémoires singulières avec la mémoire collective de leur quartier. Ils allaient se mettre en marche, au sens propre comme au sens figuré, pour devenir acteurs dans un processus d’apprentissage dynamique.

La démarche des "Cités éducatives" consiste en un programme national d’appui aux dynamiques locales de coopération éducative dans les quartiers à faible mixité sociale. Les cités éducatives visent à intensifier les prises en charge éducatives des enfants et des jeunes, de la naissance à l’insertion professionnelle, avant, pendant, autour et après le cadre scolaire. Elles consistent en une alliance des acteurs éducatifs dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville : parents, services de l’État, collectivités, associations et habitants.

Un projet ponctué d’étapes

La tâche n’était pas aisée car il a tout d’abord fallu choisir et répérer géographiquement une dizaine de lieux à raconter. Certains lieux se sont pourtant imposés comme des évidences car ils faisaient partie à la fois de l’histoire du quartier et du vécu proche des élèves : le collège Fédérico Garcia Lorca, dont les élèves franchiraient les portes à la rentrée prochaine, et le lycée Suger, qui accueillait déjà des membres de leur fratrie. D’autres lieux s’y sont ajoutés comme incontournables de l’identité du quartier, notamment ceux du canal Saint Denis et du Stade de France.

Tous les lieux sélectionnés avaient une histoire à raconter, une histoire multiple dans laquelle les jeunes explorateurs urbains se sont plongés avec grand intérêt lors des ateliers de recherche et d’écriture.
De nombreuses incursions culturelles ont permis aux élèves d’évoquer à la fois le street art (maintenant devenu un mouvement artistique reconnu), le Saint-Denis du temps des cheminées et des bidonvilles, les chansons dédiées à la ville ou encore les vies de Federico Garcia Lorca et de Suger.
Mais à toutes ces histoires plus connues se sont greffées des histoires plus singulières : celles des parents que leurs enfants ont interrogés sur la relation qu’ils entretenaient avec leur ville, les incitant à partager leurs souvenirs, leurs parcours de vie, leurs traditions passées et présentes et qui ont donné lieu à quelques digressions au cœur des langues maternelles et paternelles d’origine. Ces échanges ont enrichi le projet en lui apportant une dimension humaine et familiale.
 

 

Une fois les textes écrits, est venu le temps de les mettre en parole. Grâce à l’accompagnement expert et bienveillant des médiateurs de l’association Voix Machine, les élèves ont pu participer aux sessions d’enregistrement et de montage de la bande son, qui allait accompagner leur balade urbaine.

Tout ce travail de préparation et de mise en place de la balade sonore a permis aux élèves de travailler de multiples compétences, notamment culturelles et langagières, mais également de porter un regard neuf et connaisseur sur leur quartier tout en développant leurs compétences citoyennes.

Le temps de la balade

C’était enfin le moment de concrétiser le projet. Les invitations ont été lancées aux parents qui ont répondu très nombreux et le jour J tous étaient fin prêts, les casques sur les oreilles.
Les enfants étaient enthousiastes de faire découvrir à leurs parents l’aboutissement de leur travail et les parents étaient heureux d’avoir pu apporter leur contribution mémorielle et fiers du travail accompli par leurs enfants.
Les promeneurs urbains ont ainsi pu découvrir certains aspects du quartier, réinvestir des lieux qu’ils connaissaient déjà mais différemment, et même renforcer les liens familiaux.

Retours sur l’expérience du côté des parents :
« J’avais oublié l’existence d’un bidonville en ce lieu autrefois »
« Ce projet m’a permis de parler pour la première fois à ma fille de mon arrivée en France »
« Nous avons pu comparer la recette du pain en France et dans mon pays »
« Grâce à ce projet, j’ai beaucoup ri avec mes enfants. Nous avons aussi pu parler de ce que nous aimions dans le quartier »
Et du côté des enfants :
« J’ai aimé interroger mes parents  »
« Ca nous a permis de réfléchir et de travailler ensemble et aussi de faire intervenir nos parents »
« C’était chouette de jouer aux enquêteurs. C’est comme si nous étions des journalistes »
« Ca nous a permis de voir le quartier autrement »
« J’ai appris plein de choses sur le nom des rues »
« De voir les gens sourire, ça m’a fait apprendre que les gens aiment bien ce que font les enfants »

► Pour écouter les témoignages des élèves

 

Les pistes sonores réalisées par les enfants vont maintenant être retravaillées en classe. Elles vont venir s’enrichir de l’expérience concrète de la balade, de ses souvenirs, de ses sensations, de ses émotions partagées et devenir ainsi un nouveau support permettant d’améliorer les compétences discursives des élèves.

Mais l’aventure ne s’arrête pas là, l’exploration historique et culturelle du quartier continue car de nouvelles extensions sont déjà au programme : peut-être une exposition photos pour raconter le quartier d’hier et celui d’aujourd’hui et des QR codes installés à chaque point étape de la balade afin que les passants puissent eux aussi profiter des témoignages des élèves.
La balade servira également de ressource lors de l’accueil des enseignants du premier et du second degrés nouvellement nommés dans la ville.

Extraits sonores de la balade des bavards

Où l’on appprend qu’au Moyen Âge la pâte à pain était pétrie avec les pieds mais qu’à la boulangerie du quartier les choses ne se font plus ainsi, ni même avec la main, mais avec un pétrin "Vous imaginez 500 baguettes avec la main ? Hein ?"

 

 

 

"Maman, tu as grandi où ?" "Alors moi j’ai grandi à la cité des Francs-Moisins, comme toi. J’ai été aux mêmes écoles que toi, à la maternelle ici. Je viens de deux parents immigrés du Portugal, mais moi je suis née ici et j’ai grandi ici."

 

 

 

"Avant, moi j’habitais au B4 et j’ai dû déménager parce qu’ils vont détruire le B4. J’aime bien parce qu’on est restés dans la cité. C’est important pour moi parce qu’il y a tous mes amis ici."

 

 

 

Ce projet a offert aux élèves bien plus qu’une simple exploration de leur quartier. Il a permis à ces jeunes esprits d’apprendre de manière vivante et interactive, de se connecter aux mémoires individuelles et collectives et ainsi de tisser des liens profonds avec leur environnement et leur communauté.

 

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© DSDEN93 - article actualisé le 7 juin 2024